La France a pris samedi la présidence tournante de six mois de l’Union européenne avec un programme ambitieux pour une Europe « puissante » et « souveraine », mais celle-ci risque d’être perturbée par la nouvelle épidémie de COVID-19 et les élections présidentielles d’avril.
A minuit (23h00 GMT vendredi), la France a succédé à la Slovénie, qui assurait la présidence du Conseil de l’UE depuis le 1er juillet, et sera remplacée au second semestre par la République tchèque.
Symbole de cette rétrocession, la Tour Eiffel et l’Elysée s’illuminent en même temps en bleu, couleur de l’Europe.
Mais l’installation du drapeau européen sous l’Arc de Triomphe à Paris a également déclenché une polémique.
Les candidats d’extrême droite à la présidentielle Marine Le Pen et Eric Zemmour se sont dits « outrés » que le drapeau Français ait été remplacé par le drapeau de l’UE « au-dessus de la tombe du soldat inconnu ».
« Le drapeau Français sera évidemment réinstallé », a répondu le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Clément Beaune, dénonçant des « polémiques stériles ».
Le président Emmanuel Macron promet un programme ambitieux pour le mandat de six mois de la France.
« Vous pouvez compter sur mon engagement total », a-t-il déclaré dans son discours du Nouvel An. « Faire de ce moment, qui n’arrive qu’une fois tous les 13 ans, un temps de progrès : un temps de progrès pour le contrôle de nos frontières, notre défense, la transition climatique, l’égalité entre les femmes et les hommes, la construction d’une nouvelle alliance avec le continent africain, la supervision des grandes plateformes d’internet, et la culture en Europe. »
« Un tournant européen »
Pendant six mois, la France aura donc une influence considérable pour faire avancer certaines questions et trouver des compromis pour les 27 États membres, même si l’exercice, très étroitement encadré, nécessite neutralité et tact.
Macron a placé la barre très haut : « 2022 doit être l’année d’un tournant européen », a-t-il déclaré.
Il s’agit de rendre « l’Europe puissante dans le monde, pleinement souveraine, libre de ses choix et maîtresse de son destin », a-t-il expliqué le 9 décembre.
La présidence Français de l’Union européenne (FPEU) a fixé trois domaines prioritaires : l’introduction de salaires minimums dans toute l’UE, la réglementation des géants du numérique et la création d’une taxe carbone sur les produits importés en Europe en fonction de leur impact environnemental.
Macron prône également une réforme de l’espace Schengen pour mieux « protéger les frontières de l’Europe » face aux crises migratoires, un sujet qui sera au cœur de la campagne présidentielle Français.
Il entend également mettre sur la table une révision des règles budgétaires – les fameux critères de Maastricht – qui régissent les déficits européens, afin de pouvoir financer davantage d’investissements et de croissance européens.
Et de continuer à progresser sur la défense européenne, malgré les réticences de certains partenaires qui sont avant tout attachés à la protection de l’OTAN.
Ce sont des ambitions qu’il n’a cessé d’afficher depuis son élection en 2017, mais non sans provoquer des tensions chez certains de ses partenaires, notamment en Europe de l’Est.
Il peut toutefois compter sur le soutien du nouveau chancelier allemand, le social-démocrate Olaf Scholz, qui présidera le G7 en 2022 et qui prône également une « Europe plus souveraine et plus forte ».
« Ensemble, nous travaillerons pour une Europe plus numérique, écologique et sociale, dont la voix est entendue dans le monde », a également tweeté samedi la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
La présidence du Conseil coïncide avec l’élection présidentielle française – elle confère à son titulaire une chance d’influencer les priorités de l’agenda européen.
L’UE est à la croisée des chemins sur un certain nombre de questions, de la sécurité en Europe – des dizaines de milliers de soldats russes sont massés aux portes de l’Ukraine – à la crise sanitaire qui assombrit à nouveau l’horizon économique.
Cependant, l’élection présidentielle de mai et les élections législatives de juin en France frapperont durement la présidence de l’UE du pays, réduisant le temps disponible pour agir.
La montée en puissance de la variante Omicron va également bouleverser l’ordre du jour, du moins en janvier, lorsque de nombreuses réunions se tiendront à distance.
L’opposition dénonce une instrumentalisation du « PFUE » par Emmanuel Macron, candidat très probable à sa réélection même s’il s’est jusqu’à présent abstenu de faire toute annonce.
« Cela peut être un atout pour le président Français (…) mais aussi un risque » si ses adversaires politiques choisissent de l’attaquer de front sur sa politique européenne, a résumé Thierry Chopin, professeur de sciences politiques à la CathUniversité olique de Lille (nord).